Telle était la question posée dans un sondage de Cyclos59 il y a de cela quelque temps. La réponse n’est pas si simple qu’il y paraît car si rouler seul s’entend sans ambiguïté, il en va différemment de rouler en groupe. Question de nombre tout d’abord, il y a des grands groupes et des petits groupes. Question de forme également, tous les pelotons ne se ressemblent pas.
De façon schématique j’en retiendrai deux formes.
La première est celle en essaim d’abeilles, au moins tel qu’on les représente dans les dessins animés. C’est un peloton aérodynamique où la position de chacun est avant tout déterminée par la recherche de la moindre résistance à l’air. C’est aussi un peloton mutique. On s’y exprime surtout par gestes pour indiquer un trou, un ralentisseur, une voiture… Parfois, le souci de sécurité pousse le premier à annoncer à voix haute un danger ou un changement de direction, mais cela reste l’exception. Si le vent est arrière, vous l’entendrez arriver au ronronnement des pédaliers bien huilés. Si le vent est contraire, mieux vaut tenir son guidon à deux mains. Vous risquez de valser dans le fossé quand il vous rattrapera car le peloton « essaim d’abeilles » s’écarte peu de sa trajectoire, et vous dépasse en vous frôlant, se rabattant aussitôt.
Mes connaissances entomologiques sont trop restreintes pour que je parvienne à trouver dans la gent des insectes, une espèce représentative de la seconde forme. C’est donc aux moutons en transhumance que je la comparerai. La recherche de la vitesse y est moins présente et on l’entend arriver de loin aux rires ou aux interpellations qui fusent en son sein. Vous avez plus de chance de dépasser ce type de peloton et alors il vous faudra vous faufiler ou alors demander le passage car il a tendance à occuper une bonne largeur de la chaussée. La position de chaque membre n’est plus fonction de considérations cinétiques mais plutôt d’affinités sociales et la conversation et la bonne humeur sont de règle.
Je ne me retrouve ni dans l’un ni dans l’autre. Rouler en peloton « essaim d’abeilles », suppose une attention constante à ceux qui vous entourent. Il faut pouvoir réagir vite au signalement d’un obstacle, à un freinage un peu rapide, ne pas faire d’écart… Bref, c’est le vélo pour le vélo, le nez dans le guidon pas question de regarder le paysage et encore moins de s’arrêter prendre une photo.
Le peloton « troupeau » ne me convient guère mieux car, d’un naturel taciturne, si je ne dédaigne pas échanger quelques impressions, je n’envisage pas de converser quatre heures de rang en pédalant.
Le peloton, qu’il soit constitué d’insectes ou d’ovidés, est aussi riche des odeurs « sui generis » de ses membres qui masquent les subtiles senteurs de la campagne alentour. Seules certaines effluves musquées parviennent à franchir ce halo olfactif qui l’enveloppe.
C’est donc seul en général que je parcours les routes, m’arrêtant quand il me plait pour profiter du paysage. Il m’arrive néanmoins de faire des entorses à cette pratique au gré des rencontres, suivant durant quelques kilomètres un groupe pour retrouver un rythme plus soutenu ou au contraire servant de lièvre à des tortues. A d’autres moments, tels que les fins de brevets venteux notamment, il est vrai qu’il est agréable de trouver un peloton auquel s’accrocher pour rentrer sans trop d’efforts.