Il était là, posé contre le mur antibruit de la voie rapide, les pneus à plat, la chaîne et le dérailleur complètement rouillés, le cadre poussiéreux, à se demander comment il avait pu arriver jusqu’à cet endroit. C’était un modèle des années 70, cadre en acier, roues de 700, double plateau, pneus de 28, gardes boues et porte bagage. Je ne jurerai pas qu’une arrière pensée de récupération ne m’ait pas dès cet instant traversé l’esprit mais je passai ma route ne jetant qu’un coup d’œil furtif.
Il était toujours là alors que je rentrais le soir et, cette fois, je ne pus m’empêcher un regard plus appuyé, confirmant l’état d’abandon et la qualité du cycle dans sa prime jeunesse. Respectueux du bien d’autrui, j’étais réticent à l’idée de le ramener à la maison. D’un autre côté, je me remémorais les différents vélos que l’on nous avait volés et décidai de surseoir avant toute appropriation intempestive. S’il était toujours présent à 22h30, au retour de mon entraînement de natation, je le prendrais.
Enchainant les longueurs de bassin, j’imaginais les différentes options de réhabilitation. Je pourrais simplement le remettre peu ou prou dans son état d’origine et en faire un vélo de ville pour un des mes fils. J’étais également tenté de succomber à la mode du fixie.
Je n’avais pas tranché alors que je m’approchais, non sans impatience, du lieu de découverte. Y serait-il encore? Il y était et je m’attardai afin de l’examiner d’un peu plus près. La couche de rouille, l’état des roues et des transmissions me convainquirent définitivement qu’il s’agissait d’un cycle abandonné et non volé.
C’est donc un vélo dans chaque main que je rentrai chez moi.
L’option fixie se détachant, je commençai par consulter des sites consacrés à ce type de matériel. Parmi ceux-ci, je vous conseille particulièrement :
- Fixiesinglespeed (http://fixie-singlespeed.com) qui propose articles techniques, vidéos, conseils, photos de fixies particulièrement réussis ;
- Pignon fixe (http://www.pignonfixe.com), plus branché mécanique.
Je vous recommande également Fixiestudio (http://www.fixiestudio.com) qui vous permet de visualiser l’aspect de votre projet en jouant sur différents paramètres : forme et couleur du guidon, couleur du cadre et de la fourche, couleur du pédalier etc… Il permet également de calculer le développement selon la taille du plateau et du pignon.
Ce fut très instructif et me permit de vérifier que l’engin récupéré était propre à l’usage que je projetais. Il faut par exemple que les pattes de fixation soient profondes et horizontales de façon à pouvoir tendre la chaîne de façon optimale en l’absence de dérailleur. Des pattes orientées verticalement ne conviennent pas du tout. De même, les pédaliers à clavettes ne sont pas adaptés compte tenu des efforts subis.
Après avoir lu quelques articles concernant les techniques de freinage en fixie, je décidai que cette pratique n’était plus vraiment de mon âge et que l’option mono-vitesse avec roue libre était plus en rapport avec mes attentes et mes aptitudes.
Si la forme des pattes était idoine, il n’en était pas ainsi du pédalier. La pose d’un axe à bout carrés nécessita un taraudage, le filetage du boîtier en place étant au pas français. Je confiai cette opération à mon vélociste (Fallet à Mons en Baroeul) qui eut par ailleurs de la difficulté à trouver un nouveau boîtier à la bonne longueur. C’est lui également qui se chargea du montage du pignon et du réglage de l’axe de chaîne qui requit également quelques adaptations.
J’avais envisagé de récupérer les moyeux d’origine dont les joues étant en accord avec le reste du cycle. Cela ne fut pas possible et finalement il fut équipé de deux roues type route.
Me revint le décapage, la peinture du cadre et de la fourche ainsi que le montage des autres accessoires après, pour ces derniers, un petit toilettage.
Pour les pneus, j’en récupérai deux de 25 achetés pour Paris-Roubaix, option qui outre l’économie faite en la circonstance procure par ailleurs un petit confort supplémentaire. Récupération également des pédales d’origine de mon vélo de route, inutilisées depuis que je les avais remplacées par des cale-pieds automatiques.
Je suis très satisfait du résultat.
Sur un plan esthétique tout d’abord. J’aime sa forme gracile qui tranche avec les épais profils de ses frères aluminisés ou carbonés et qu’accentue l’absence de dérailleur.
En termes de conduite, le rapport choisi que, dans mon impotence actuelle, je ne vous livrerai pas immédiatement faute de l’avoir enregistré et n’osant pas demander à ma femme d’aller à la cave compter les dents des plateau et pignon, est idéal pour un usage urbain, même si parfois je me surprends sur terrain plat et par vent arrière à tenter en vain de changer de développement. Il permet des démarrages faciles et le franchissement de côtes un peu raides.
Je trouve vraiment agréable de changer de vélo et donc de style de conduite au gré de mon humeur, du type de déplacement ou de la météo, l’absence de garde-boue réservant mon nouveau véhicule au temps sec.
Depuis, j’ai récupéré chez mon beau-frère deux cadres que je compte bien retaper, même si la place commence à manquer pour les garer.
Pour peindre les parements en rouge, après avoir appliqué la peinture noire, j’ai confectionné de la pâte à pain avec laquelle j’ai masqué la partie en creux et le départ des tubes de cadre, les parties en inox ayant été protégées avec de l’adhésif (fourche et potence démontées bien sûr) et j’ai ensuite peint rouge.
Les pattes arrières sont d’une forme adaptée au mono pignon.
Après un petit décapage, j’ai pu utiliser les freins d’origine.